Pascale Robert-Diard
Un récit tellement actuel, sur la difficulté à rester rationnel Face a d’apparentes evidences
Dans l’ombre portée de la vague #MeToo, avec ses avancées et ses excès, voici un livre d’une bienfaisante sobriété que l’auteure a choisi d’inscrire dans le genre romanesque. Sans doute moins parce qu’il va à l’encontre d’un courant dominant prompt à s’emparer sans recul du moindre soupçon de prédation masculine, que parce qu’il s’attache à restituer, loin des effets de tribune, la logique complexe d’une parole adolescente. Si le titre fait invinciblement penser à celui du film de Claude Miller « La petite voleuse », c’est qu’il s’en rapproche par sa délicatesse et sa lucidité. A son tour, dans ce premier roman tout à fait remarquable, Pascale Robert-Diard invite en effet à démêler les subtils ressorts d’une raison intime.
Nathalie Sarraute, citée en épigraphe, pourrait ici faire figure de modèle éclairant
Chroniqueuse judiciaire au « Monde » depuis vingt ans, elle a puisé la matière de son texte dans son vécu à l’intérieur des prétoires, avec ce qui s’y joue en même temps de théâtralité et de vérité humaine. Son personnage principal Alice Keridreux, la cinquantaine, avocate dans une ville du littoral atlantique, lui emprunte manifestement beaucoup. A commencer par son style, précis, concis, factuel, plus proche de l’économie de langage de l’article de presse que des efflorescences verbales d’une plaidoirie. Nathalie Sarraute, citée en épigraphe, pourrait ici faire figure de modèle éclairant. Même si l’avocate se permet une petite entorse, de nature très romanesque, en ayant pris l’habitude de donner des surnoms aux jurés. Peut-être un antidote, alors que « depuis quelque temps, la dose quotidienne de noirceur qu’elle se prenait dans la figure lui semblait plus difficile à supporter ». Car il est clair qu’elle aspire de plus en plus à s’évader et respirer un air plus pur sur une île qu’elle affectionne. Jusqu’au soir où une jeune femme entre dans son bureau.
Celle-ci s’appelle Lisa Charvet, elle a tout juste vingt ans. Cinq ans auparavant, alors élève de troisième, elle avait été victime d’un viol. Son agresseur, un plâtrier de trente-deux ans, Marco Lange, avait écopé d’une peine de dix ans de prison. L’affaire avait fait grand bruit. Tout le collège, professeurs en tête, s’était mobilisé autour de Lisa : Lange, venu faire des travaux au domicile des Charvet, en avait profité pour abuser de la jeune fille. L’affaire se présentait comme dramatiquement simple. C’est d’ailleurs ce qui ressort du dossier que Lisa a déposé sur le bureau d’Alice. Lange, qui n’a cessé de clamer son innocence, a pourtant fait appel. Et un deuxième procès, contre toute attente, va bientôt avoir lieu. Forcément douloureux pour Lisa, qui va devoir revivre cette période. Et qui demande à l’avocate, pénaliste de bonne réputation, d’assurer désormais sa défense. C’est du moins ainsi qu’Alice interprète sa démarche.
Passer du statut de réprouvée à celui de victime