Après « Partout le feu », en 2022, sur l’avenir sombre de la planète et les résistances à l’œuvre, Hélène Laurain propose un saisissant deuxième roman, « Tambora », pour partie en écho à ce premier texte, qui confirme la réelle originalité et la grande force de son écriture. Elle avait mis neuf mois pour enfanter son premier livre : le temps d’une maternité. Dans la continuité il est aujourd’hui question des hauts et des bas d’une gestation, mais aussi des angoisses liées à l’état dégradé du monde et à l’urgence climatique

Ce qui frappe d’abord dans cette écriture terriblement prenante, c’est sa richesse formelle. La narratrice, en même temps qu’elle analyse crûment les transformations de son propre corps, s’adresse à ses filles, celle déjà venue au monde et celle à venir, afin de les alerter face aux catastrophes qui menacent. Elle évoque également la venue d’un nouveau livre. L’époque est pour elle à la création sous toutes ses formes. Avec ses interrogations, ses angoisses et ses emballements. Pour restituer le bouillonnement en soi, la poussé double d’une nouvelle vie et de l’écriture, elle recourt aux ressources multiples de la rhétorique. Le récit de sa gestation s’enrichit ainsi de soudaines échappées poétiques, jusqu’au calligramme, et de prises de recul, au gré de sa propre météorologie.
La double figure de l’ébranlement intime et de la catastrophe climatique qui commande son écriture
Avec en constant point de mire ce Tambora qui prête son nom au titre du roman. Un volcan indonésien dont la formidable éruption en 1815, la plus violente jamais enregistrée, mais longtemps ignorée – d’une part masquée par un autre séisme, sur la plaine de Waterloo, de l’autre par le fait que « ses victimes sont pauvres ; elles n’écrivent pas » – plongea un temps la terre dans l’obscurité et affecta le climat pendant plusieurs années. Pour Hélène Laurain la double figure de l’ébranlement intime et de la catastrophe climatique, qui commande sa propre écriture. On pourrait ajouter, elle y fait explicitement référence, son incidence sur la vision de certains grands artistes : « Les tableaux de William Turner, Caspar David Friedrich, John Constable datant de ces années affichent des crépuscules cendrés, de rouges à jaunâtres ; nuits éternelles.» L’écrivaine avec « Tambora » reprend superbement leur geste.
Rarement la dimension physique et la dimension métaphorique ne s’étaient trouvées ainsi accordées