On ne pourra certainement pas reprocher à Véronique Olmi de céder à la tentation de la dispersion. Depuis ses débuts dans le roman, en 2001 avec « Bord de mer » l’autrice inscrit en effet son travail dans une visible continuité. C’est ainsi que « Le courage des innocents », sa quinzième fiction romanesque, peut être lue dans l’ombre portée de « Bakhita » (2017) et du « Gosse » (2022). A chaque fois des enfants voient leur vie gravement se disjoindre : l’une, petite africaine au XIXe siècle, est enlevée par des négriers et vendue sur un marché aux esclaves avant de voir sa destinée prendre un cours inattendu ; l’autre, gamin de Paris né après la Grande guerre, se retrouve à l’âge de 8 ans à l’Assistance publique avant, là encore, un impressionnant infléchissement de sa trajectoire

Dans « Le courage des innocents » Véronique Olmi a opté pour la forme d’un diptyque. L’on y suit le parcours de Ben, vingt ans, militant altermondialiste d’abord requis par le sauvetage de son demi-frère qui vient d’être placé en famille d’accueil, puis engagé dans un plus vaste combat qui va le conduite jusqu’en Ukraine. Il se sent en effet une responsabilité par rapport à Jimmy, demi-frère de treize ans plus jeune que lui. Leur mère était morte trois ans auparavant et depuis lors il n’avait plus eu de nouvelles du garçon : le père alcoolique, qui avait perdu sa garde, refusait de passer ses appels. Ben n’a désormais de cesse de retrouver et prendre sous son aile ce petit frère en si délicate posture. Tandis que lui-même vit d’expédients et de petits boulots : sa vie est devenue celle des militants contre toutes les injustices, comme de ceux qu’on retrouve sur les « Zones à défendre », mi-marginaux mi-détachement avancé du combat pour un futur vivable. Guère éloignés, aux yeux de beaucoup, de ceux devant lesquels on s’écarte « parce qu’ils puent, parce qu’ils sont moches, parce qu’ils partagent avec eux les virus les plus contagieux, parce qu’ils sont ce que chacun appréhende, l’incarnation du cauchemar commun ». La plume sensible de Véronique Olmi fait ici merveille pour restituer ces itinéraires dénués de perspectives dans un monde lui-même désorienté face aux dérives de la mondialisation. Dans le sillage de Ben, c’est la terrible cohorte des laissés-pour-compte et des réprouvés, dans une indifférence quasi générale, qui se donne ainsi à voir. Parmi ceux-ci les enfants placés en familles d’accueil. Le récit se resserre alors sur ces jeunes existences, en lesquelles Ben voit une proximité manifeste avec « ceux de la marge et des bas-côtés (…) du manque et de l’infortune ». Dans cette première partie se dessine le tableau général d’un monde en souffrance.
Très vite, dans la continuité de la première partie, il est de nouveau question d’enfants affrontés au malheur : les petits Ukrainiens des foyers et des orphelinats déportés en Russie