Merci à Jean Rouaud : semblable à l’écrivain, qui attend du critique que celui-ci dise « le plus haut que soi », le critique est attentif à la validation de sa lecture par l’auteur.
Jean Rouaud
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Je n’ai pas l’habitude de mettre en ligne les critiques de mes ouvrages. Tout simplement parce que venant d’où je viens, ça fait partie des choses qui ne se font pas. Si je fais ici exception c’est que Jean-Claude Lebrun fut le tout premier à écrire sur Les Champs d’honneur. C’était dans Révolution. Un article, argumenté, attentif, qui m’a comblé et rassuré quand je craignais d’avoir livré un fourre-tout de mon enfance sur laquelle j’avais greffé, par un procédé romanesque dont j’espérais qu’il ne se remarquât pas trop, une attaque aux gaz sur la plaine d’Ypres en 1916. Et ce que j’y lisais c’est que tout y était de ce que j’avais pensé y avoir mis. Et même un peu plus, savoir ce qui échappe et pour quoi on s’en remet à l’écriture pour en dire « plus ». Car on écrit plus haut que soit. Et c’est dans ce plus haut qu’il faut chercher « l’imprévu », et qui est la part du lecteur. On feint de l’oublier, persuadé qu’il se suffit à lui-même mais le texte attend de l’aide. Il espère du critique qu’il y débusquera ce qui a échappé à l’auteur même. C’est en cela que Jean-Claude Lebrun est peut-être le dernier de son espèce, ne perdant jamais de vue ce qui le conduit à interroger inlassablement dans ses Territoires romanesques ce qu’on appelle encore la littérature, cette douleur fantôme faite de fond et de forme et qui hante chacune de nos phrases. Merci, cher ami.
