C’est une jeune maison, créée en 2011 et plutôt orientée vers la publication de nouvelles, qui fait paraître le livre sensible et émouvant de Sylvie Dubin. Née en 1960,celle-ci s’était déjà fait remarquer comme novelliste de talent, après un premier recueil, « Selon elles » paru en 2010 chez Siloé, suivi de deux autres volumes, « L’Empouse…et autres écarts » (2015) et « Vent de boulet » (2016), tous deux publiés chez Paul & Mike. « Le Bruit des hommes » est son premier roman. Il fait revivre une figure aujourd’hui quelque peu oubliée de l’art brut, l’abbé Adolphe Fouré (1839-1910) surnommé en son temps le « Facteur Cheval breton ». On lui doit en effet les rochers sculptés de Rothéneuf, plus de trois cents statues, depuis lors passablement dégradées par l’érosion marine, sur des falaises proches de Saint-Malo
L’on comprend mieux l’intérêt de Sylvie Dubin pour ce personnage fantasque à l’inspiration hétéroclite en observant sa propre dilection pour l’étrange et le fantastique, notamment dans les quatorze nouvelles de « L’Empouse », en référence au spectre de la mythologie grecque. Au côté du prêtre se tient ici sa servante Marie Lefranc, mentionnée sans davantage de détails dans les documents d’époque. Mais qui sous la plume de l’autrice acquiert une véritable épaisseur humaine et une stature romanesque, en quasi alter ego de l’ecclésiastique artiste. Une manière de cœur simple confronté à l’univers d’un personnage tourmenté, guère en odeur de sainteté auprès de sa hiérarchie, dont Sylvie Dubin restitue le parcours chaotique. Des affaires tragiques qui touchèrent de près sa famille ; sa mise à l’écart, vécue comme un bannissement, des fonctions ecclésiastiques. Le roman se nourrit en effet d’un rigoureux travail de documentation, sur lequel viennent s’enter les imaginations de celle qui écrit. La découverte d’archives inédites agissant en l’espèce comme un puissant stimulant de l’écriture. Un récit particulièrement émouvant et captivant en résulte. Portrait double, d’un religieux artiste hanté par la question du mal, qui en même temps vit son catholicisme de façon très libre et personnelle, et d’une femme restée célibataire qui transpose sur l’abbé des émotions de plus en plus parlantes, sans pour autant perdre son sens profond des réalités. Elle était entrée à son service en 1901, à l’âge de cinquante ans, après un demi-siècle de discret labeur, de pertes et déceptions en tous genres. Entre les deux, sans jamais basculer au-delà des convenances, une histoire se noue, dont Sylvie Dubin suggère magnifiquement l’intensité tout autant que la retenue. Il faudra attendre l’approche de la mort de l’abbé pour que celle-ci se relâche, du moins dans la parole et de discrets petits gestes.
C’est non seulement la Bretagne, mais aussi la France de la Belle Epoque, avec ses lumières et ses ombres, que l’autrice reconstitue
3 réponses à “Sylvie Dubin”
Magnifique je vais le commander fan de Sylvie Dubin que j’ai eu l’honneur de connaître à Decize à notre salon litterhall
Je l revue l’an dernier que du bonheur.
C’est effectivement un superbe roman, qui mériterait une large diffusion. Mais face aux mastodontes de l’édition…
Merci pour ce bel article. Sylvie est une de mes grandes amies. Mille amitiés. François Thibaux.